Dans
"La Vieille France Qui S'en Va", Charles Géniaux
décrit sa rencontre au début du XXème siècle
avec la sorcière du village.
" Elle me parut une femme robuste de soixante
années. Ses traits, son front ridé, pouvaient
être d'une centenaire, cependant que ses mains charnues
et solides démentaient la viellesse précoce du
haut de son visage".
"J'ai la
puissance et Gnâmi est plus fort que la mort !" |
Vieille femme à l'allure sévère,
dotée du baton noueux des sorciers, Naïa s'était
fait la maîtresse d'un lieu digne de son personnage, vieux,
intemporel et mystèrieux : le château de Rieux.
On la disait immortelle. Car de mémoire d'homme, on avait
toujours connu la même silhouette vieille, sombre et vigoureuse.
Naïa semblait échapper aux lois du temps. Elle ne
mangeait ni ne buvait car, disait-elle, "Est-ce que les
anges mangent ? Nous n'en avons pas besoin non plus." Et
jouait ainsi de son rôle de sorcière presque avec
amusement. |
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Car on racontait beaucoup sur Naïa. Ses exploits fascinaient
les populations alentours. Elle possédait le don d'ubiquité,
faisait parler les feux dont le cuir de sa peau était
insensible, lisait l'avenir, communiquait avec l'esprit de "Gnâmi"
: "J'ai la puissance et Gnâmi est plus fort que la
mort !". A la question de qui était Gnâmi,
elle répondait : "Gnâmi est Celui qui peut,
Celui qui veut, Celui qu'on ne voit pas."
En réalité, Naïa était une femme intelligente
et instruite. Charles Géniaux rapporte qu'elle lisait
même les journaux. C'était la fille d'un rebouteux
de Malensac et avait hérité de dons de ventriloques
et de plusieurs tours de saltimbanques. Ainsi s'était
construite et perpétuée la légende de Naïa,
la "chaman" de Rochefort en Terre. |