Etres aux obscurs pouvoirs,
on raconte que les sorciers possèdent l'art de se transformer.
Lors des sabbats, ils prennent forme de boucs ou de chats
noirs.
Ainsi métamorphosés, ils se rassemblent près
des landes, des dunes ou des carrefours solitaires. Ils s'organisent
en escadrons, se livrent bataille et dansent en ronde, déchaînés.
Il y en a pourtant un qui préside : ce n'est autre
que Satan.
Une nuit, Jean Boudard rentre de la ville. Il arrive à
un carrefour et découvre dans l'obscurité une
affreuse bande de matous en furie.
"D'autres se pendaient
à la branche, ou bien grimpaient aux troncs noueux
; et vers la colline qui penche, ils bordaient les chemins
boueux..."
P. Sebillot |
Ils étaient si nombreux qu'on eût dit que tous
les chats de Bretagne s'étaient donnés rendez-vous
cette nuit-là. Jean Boudart est effrayé. Il ne
peut même pas prononcer une prière tellement ses
dents se choquent. Soudain s'approchent devant lui trois énormes
chats, le dos rond, la queue raide et les yeux lançant
des éclairs.
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Mais les voici de murmurer :
- Burlach est mort ! Va t'en le dire à Malo, le vieux
chat qui dort !
Jean Boudard ne sent plus ses jambes pourtant il puise le peut
de force qu'il lui reste et se met à courir, à
moitié égaré, jusqu'au village.

Arrivé près du foyer, on s'inquiète de
le voir si blême et si pâle. Lorsque Jean raconte
son récit, et répète les paroles des chats
sorciers, le chat Malo, jusque là tranquilement instalé
près de la cheminée, sursaute et s'écrit
d'une voix rauque par trois fois :
- Burlach est mort au fond du bois !
Devant l'ébahissement général, il grimpe
dans le conduit du foyer et disparait dans la nuit.
"Depuis lors, à sa place antique, on ne vit plus
le vieux matou ; avec sa troupe diabolique il court sans doute
on ne sait où." |