Dis
donc votre concert, là, c'était assez terrible, c'est toujours
comme ça ?
- Ben assez souvent, ouai, disons que c'est comme ça qu'on
voit la scène.

Ca va faire dix ans que vous
tournez, c'est ça ?
- Ouai, en fait le groupe a été créé en 89, c'était
sur les bancs du lycée. Mais on va dire qu'on a commencé à
tourner à partir de 95 et de 95 à maintenant on a fait 350
concerts à peu près. On a pas mal tourné en Bretagne (...).
Là on est quand même content parce que ça faisait plus d'un
an qu'on n'était pas revenu à Rennes précisément, alors qu'on
savait qu'il y avait du public, qu'on était bien accueilli,
qu'on se régalait.
Qu'est-ce qui fait la richesse musicale
des Kanja ?
- Ce sont des gens qui viennent tous d'univers différents.
Y'a une base quand même commune de reggae.
Après t'as des gens qui écoutent beaucoup plus de jazz, beaucoup
plus de world, (...) donc c'est toute une richesse musicale.
Dans Kamino, y'a aussi beaucoup de textes du tromboniste,
quelques une du percussionniste et du trompettiste. Les textes
tournent et la musique c'est pareil. On met tout ensemble,
on réfléchit beaucoup. Donc l'auteur compositeur, c'est
Kanjar'Oc. (...) Après, (...) on est tous des immigrés de
deuxième ou de troisième génération, donc on se sent français
à cent pour cent mais c'est vrai qu'on a une fierté de cette
pluralité, c'est ce qui fait la fierté de l'Occitan. L'Occitanie,
c'est une Terre d'accueil et elle n'est pas définissable.

Kanjar'Oc se définit avant
tout comme un collectif ?
-C'est vrai, Kanjar'Oc, c'est très collectif. On est huit
sur scène, mais on aime bien dire que Kanja c'est douze personnes
parce que l'équipe technique fait partie du groupe.
Kanjar'Oc c'est aussi une assoc.
?
- C'est ça oui. En fait, on a monté l'asso. très rapidement
pour nous faire tourner dans un terme "légal". Après,
p'tit à p'tit, on a essayé d'intégrer des groupes en herbe,
faire des ateliers. On essaie d'aider les groupes qui tournent
mais qui ne sont pas encore intermittents, leur
donner un soutient logistique. L'association est sur Port
de Bouc, à trente-quarante bornes de Marseille.
Avec Kamino Real, votre dernier
album, j'ai lu que c'était le symbole de nouveaux objectifs.
Quels sont-ils ?
- Alors [une des choses] c'est qu'on a beaucoup tourné et
très souvent les gens nous disaient : "Kanja c'est super,
y'a la patate, y'a la patate". Ca on ne le renie pas,
Kanja, y'a toujours l'énergie. Mais on voulait un peu plus
donner de sens. On a grandit aussi, on s'est beaucoup plus
positionné.
Vous vouliez passer un message
?
- (...) On n'est pas des vaches qui regardent passer le train,
quand y'a des montées extrémistes, on se positionne.
Aussi, le message, c'est une génération qui exprime un truc
et qui dit : A un moment donné quand on veut arriver à faire
quelque chose, on peut déjà essayer. Si au moins on essaie,
on a déjà gagné quelque chose. C'est un message positif. Donc
c'est ça qui a déjà changé dans nos objectifs.
(...)

Vous avez tellement tourné, en France,
à l'étranger, parmi toutes ces aventures, y'en a sûrement
de très fortes qui marquent et qui influencent ?
- Très fortes, oui. Disons qu'une des forces de Kanja, c'est
que quelque soit le groupe, t'as toujours une culture musicale
plus forte que l'autre. Donc parfois tu tournes dans des festivals
où il n'y a que ta musique, alors que Kanja s'est très souvent
retrouvé dans des festivals rock où le mec voulait un groupe
rock mais avec une touche ensolleillée ou parfois reggae.
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On
s'est retrouvé deux fois avec les Wailers, on a fait Israel
Vibrations, les Toots, parce que le mec voulait donner au
festival reggae une touche un peu plus rock. Donc on s'est
retrouvé avec tous ces gens là, tu écoutes, tu échanges,
et comme on marche beaucoup à l'humain, t'as une amitié
qui se crée.
D'où est-ce que vous puisez cette énergie sur scène ? C'est
Kamino Real, la marque de Téquila qui vous sponsorise pour
vous donner la pêche ;-) ?
- Pas du tout ;-) ! En fait on boit pas beaucoup, enfin
si, on fait la fête, normal, mais sur scène faut quand même
que t'assures un minimum, et puis en étant saoul, tu t'amuses
pas. En fait, c'est naturel, c'est très speed. Pour reprendre
l'histoire de Kamino Real, Kamino, c'est "le chemin",
"la voie royale", c'est "trace ton chemin"
et c'est vrai que ça fait référence en plus à la célèbre
boisson espagnole, sachant que l'Espagne a une influence
très majeure pour nous. Y'a des textes en espagnol..
"Ca s'est aussi la grande
richesse de la diversité : Dans la diversité musicale,
tu es obligé de te dépasser à chaque fois." |
Finallement, quels sont les trois
fondements de Kanjar'Oc ?
- Alors, la première des choses, c'est la fraternité. (...)
Il faut qu'il y est une unité quand même. Après, j'te dis
pas qu'il n'y a pas de tensions. Quand tu te retrouves à douze
sur la route, c'est évident qu'il y ait parfois des tensions,
c'est normal, on est des humains. Mais y'a une fraternité
très forte.
Deuxième fondement, c'est la diversité.C'est ce que disait
Doudoun tout à l'heure sur la scène.(...) Ca se sent dans
notre musique, on a pas besoin de parler. Même si on décide
de faire un album un peu plus coloré rock, y'aura toujours
la diversité. Et puis même sans faire exprès.On ne sait pas
faire un rock ou un reggae pur et dur. On sait faire un mélange
de "ça". (...)
Le troisième truc qui est important pour nous, c'est la communion
avec le public. C'est pas de la fraternité. C'est une communion
avec des gens que tu ne connais pas. A un moment donné, y'a
quelque chose que tu sents, que tu palpes. Ce principe, faut
qu'on le garde. Le jour où y'aura plus ça, on arrêtera.
(...)

Sur
les pochettes des trois premiers albums, on voit des tongues,
c'est quoi ce culte de la tongue ;-)?
- Ah ! La tongue, j'crois qu'c'est un mode de vie, le far'
niente...
La paresse dans l'art de vivre
;-)
- De l'art de vivre, voilà exactement. C'est le côté "Avoir
un peu une place au soleil, toujours". Toujours avoir
des tongues aux pieds, même si tu les portes pas. Dans ta
tête, quand tu te dis que tu as des tongues aux pieds, c'est
très positif, très ouvert, et même quand tu travailles, tu
le fais avec cet esprit d'ouverture. Voilà, c'est les tongues,
quoi.
Alors, elle est belle la vie d'artiste
?
- Ouai, ouai, elle est belle la vie d'artiste !
Ben j'crois qu'cétait la conclusion...
- Ouai, ouai, ça va de soit.
Un énorme merci aux Kanja, à leur gentillesse et leur convivialité,
en espérant recroiser leur route très bientôt.
Photos : Kanjar'Oc (Merci!)
Entretien et rédaction : Laure
Production : Tono
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