Dis donc
votre concert, là, c'était assez terrible, c'est toujours
comme ça ?
- Ben assez souvent, ouai, disons que c'est comme ça qu'on
voit la scène.

C'est vrai, votre expérience
scénique se ressent. Ca va faire dix ans que vous tournez,
c'est ça ?
- Ouai, en fait le groupe a été créé en 89, c'était
sur les bancs du lycée. Mais on va dire qu'on a commencé
à tourner à partir de 95 et de 95 à maintenant on a fait
350 concerts à peu près. On a pas mal tourné en Bretagne,
la première fois c'était pour les bars en Trans en 96 avec
les Tontons Flingueurs...
(...) Là on est quand même content parce que ça faisait
plus d'un an qu'on n'était pas revenu en Bretagne, à Rennes
précisément, alors qu'on savait qu'il y avait du public,
qu'on était bien accueilli, qu'on se régalait.
Ca dégage bien sur scène,
c'est une ambiance festive très appréciée. Quand on vous
voit jouer ensemble, on a vraiment l'impression que vous
vous connaissez bien. Ca fait longtemps que la formation
est telle qu'elle est ?
- Oui, en fait, la formation a très peu bougé. Moi j'suis
rentré dans le groupe en 96, le dernier guitariste est rentré
il y a deux ans, après la formation n'a pas bougé, c'est
pratiquement la même qu'au début.

Comment a débuté l'aventure
Kanjar'Oc ?
En fait, j'avais un groupe, c'était exactement le même parcours
que Kanja, on était des potes, des copains de lycée, en
fait c'est l'histoire classique, on aurait pu jouer au foot
ou faire autre chose, et puis on a fait de la musique, et
puis un bal du lycée, des p'tits trucs comme ça, les tucs
de quartier, et puis p'tit à p'tit, on a fait une petite
tournée en 95 "Occitan tour", dans le sud ouest.
Ca nous a pris l'envie, et puis on vu qu'ça répondait, on
s'est éclaté, et on a continué comme ça.
Kanjar'Oc se définit avant
tout comme un collectif ?
-C'est vrai, Kanjar'Oc, c'est très collectif. On est huit
sur scène, mais on aime bien dire que Kanja c'est douze
personnes parce que l'équipe technique fait partie du groupe.
D'où la p'tite dédicace à
la fin du concert parcqu'il ne faut pas oublier ceux qui
bossent dans l'ombre ?
- Exactement.
"A un moment donné quand
on veut arriver à faire quelque chose, on peut déjà
essayer. Si au moins on essaie, on a déjà gagné quelque
chose. " |
Kanjar'Oc
c'est aussi une assoc. ?
- C'est ça oui. En fait, on a monté l'asso. très rapidement
pour nous faire tourner dans un terme "légal".
Après, p'tit à p'tit, on a essayé d'intégrer des groupes
en herbe, faire des ateliers. On essaie d'aider les groupes
qui tournent mais qui ne sont pas encore intermittents,
leur donner un soutient logistique. L'association est sur
Port de Bouc, à trente-quarante bornes de Marseille.
Vous vous sentez profondément
marseillais, "Banlieue de Marseille"?
- Disons qu'on se sent profondément du sud plus que de Marseille.
C'est vrai qu'on est de Marseille mais on est pas pro-marseillais
non plus. Disons que c'est une des raisons qui nous a poussé
à aller à l'extérieur justement, pas rester seulement à
Marseille. On est fier de nos racines, y'a pas de problème.
Vous vous
en faites l'étendard de cette culture du sud ? Vous l'affirmez
?
- Non pas jusque là. Disons qu'on se moque un p'tit peu
de nous. Y'a des morceaux où on parle de Marseille mais
qu'on tourne à la dérision.
Vous ne vous prenez pas au
sérieux.
- Disons que Marseille, c'est pas un gage de qualité non
plus, c'est pas parce que tu es de Marseille, que ça y'est,
c'est bien.
Plus précisément, ce que
j'entends par "étendard", c'est davantage l'étendard
du métissage, l'étendard multicolore.
- C'est ça. On est marseillais, mais moi je suis breton,
à la base. Y'en a qui viennent de Lozère, y'en a qui viennent
d'Espagne, y'en a qui sont moitié algérien, moitié belge,
et c'est ça, Marseille, c'est un port et y'a toujours eu
un brassage. C'est comme ça. Etre vrai Marseillais, tu le
deviens quand tu y es né ou quand tu y habites depuis une
dizaine d'années. Marseille, c'est une ville qui te prend
très très vite. Tu t'identifies à elle rapidement. Et y'a
pas un vrai Marseillais de souche, oui il l'est devenu mais
à la base il a immigré.
Vous avez surtout fait de la
scène, j'imagine que c'était aussi pour palper votre pouls,
palper le public mais pourquoi en dix ans n'avez vous pas
fait plus d'albums ? La question à deux balles...
- Ben, tout simplement, on a fait un premier album. Mais
ce qu'il faut savoir, c'est que le groupe a dix ans mais
qu'il tourne depuis 95. Avant, c'était un concert tous les
3 ou 4 mois. Pas de quoi faire un CD, quoi. A partir de
95, on a commencé à tourner beaucoup donc on a fait un album.
C'était un 7 titres en auto prod en 96. L'année d'après
en 97, on a fait un live parcqu'on trouvait que ça nous
correspondait mais déjà le disque commençait à être un peu
dépassé par rapport à ce qu'on faisait sur scène, donc on
a fait un live qui s'appelle "Fait Tournée" dont
on a joué deux morceaux ce soir.
D'ailleurs on voit dans la couleur que c'est un morceau
qui est beaucoup plus rigolo, beaucoup plus festif mais
qui est moins profond, on va dire.
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"Souvent les gens nous
disaient : "Kanja c'est super, y'a la patate, y'a
la patate". Ca on ne le renie pas, Kanja, y'a toujours
l'énergie." |
Et puis ensuite on s'est dit, on va faire
un album avec un peu plus de franc, et donc pour faire un
peu plus de franc, va falloir tourner un peu plus, se faire
un peu plus un nom... mais c'était pas l'objectif premier.
L'objectif était simplement que tant qu'avec notre quatre
titres on arrivait à trouver de la scène, ça nous suffisait.
C'est là qu'on a tourné pendant deux ans de concerts. (...)
Et puis ensuite, on s'est posé, on a fait un album fin 99,
Kamino Real qu'on a ressorti pour une histoire de production,
on a remis des nouveaux morceaux, on a peaufiné et il est
sorti en juin.
Donc en fait de 96 à 2001, on a sorti 1 sept titres, 1 quatre
titres live et Kamino Real qui est sorti deux fois.
Avec Kamino Real, j'ai lu
que c'était le symbole de nouveaux objectifs. Quels sont-ils
?
- Alors la première des choses c'est qu'on a beaucoup tourné
et très souvent les gens nous disaient : "Kanja c'est
super, y'a la patate, y'a la patate". Ca on ne le renie
pas, Kanja, y'a toujours l'énergie. Mais on voulait un peu
plus donner de sens. On a grandit aussi, on s'est beaucoup
plus positionné.
Vous devenez militants, engagés
?
- Pas militants, concernés. Nous, on a été frappé par tous
les endroits comme, par exemple en Bretagne où le réseau
associatif est très fort, y' a beaucoup de bénévolat, et
vous faites beaucoup de choses. (...) Ca nous a orienté
à travailler beaucoup plus...
Et à passer un message ?
- Et à passer un message, mais nous on n'est pas des vaches
qui regardent passer le train, quand y'a des montées extrémistes,
on se positionne. Aussi le message, c'est une génération
qui exprime un truc qui dit : A un moment donné quand on
veut arriver à faire quelque chose, on peut déjà essayer.
Si au moins on essaie, on a déjà gagné quelque chose. C'est
un message positif. Donc c'est ça qui a déjà changé dans
nos objectifs.
On a aussi des objectifs artistiques parce que musicalement
on fait plus de choses, on s'est rassemblé pour donner une
couleur autre, pas seulement live, pour que ça s'exprime
sur l'album sans avoir le visuel. Tu as vu que le visuel
c'est important pour nous.
Carrément ! Les jeux de scène
sont terribles !
- Donc on voulait à la fois retransmettre ça sur le
disque sans que ce soit juste une version du live. Donc
on travaille toujours là dessus mais aussi pour le prochain
album qui sortira en 2002, on espère que ce sera de la balle,
quoi.
Donc en fait, la nouvelle voie
de Kanjar'Oc, c'est maintenant de s'exporter, faire des
disques, de pouvoir mieux vivre de votre art...
- Bien sûr, la priorité, c'est de diffuser notre musique
le plus possible et le plus dignement possible, de faire
de plus en plus de festivals, de s'exporter. Pour t'exporter
t'as besoin d'un support donc, l'objectif c'est pas de faire
plein de disques. Déjà essayer d'en faire un et faire en
sorte que le prochain soit très bon. S'il est bon, il marchera.
(...).
Entre la scène qui reste quand même un terrain de prédilection
(on essaie de travailler vachement ce spectacle, la tournée
qui vient de commencer) et un nouveau disque qui pourra
être bon, on espère que ça nous permettra de nous exporter.
(...)

Pour en revenir aux textes, qui
sont "concernés", ils m'ont fait penser à I AM
: Vous sentez-vous responsables de vos textes en tant que
musiciens et médiateurs ? Est-ce une prise de conscience
depuis le dernier album ?
- Bien sûr. Disons qu'on a une chance que beaucoup de gens
n'ont pas : Quand on a un micro, on exprime nos émotions,
ça s'est une chose mais aussi, sans vouloir faire de morale,
on exprime aussi un point de vue. T'as une responsabilité
tout de suite.
Mais c'est très difficile parc'que sur les textes contre
le fascisme, à un moment donné y'a un bloc de monde qui
en a parlé, c'est normal, mais t'as peur de passer pour
un opportuniste,
t'es toujours sur le fil du rasoir. Par exemple, dans les
textes, on ne nomme jamais le Front National. Y'a un texte
comme "Si Egaux", par exemple, qui parle davantage
des partis politiques ou des organisations qui seraient
politiquement correctes et qui emploient des stratagèmes
fascistes. On a plus envie de se positionner par rapport
à ça.
Et puis plusieurs textes mettent
en garde contre la manipulation sournoise : "Réagissez,
sachez analyser ce qui vous entoure"...
- Voilà, la réflexion est "penser par soi-même"
et en plus on aime bien un p'tit peu puiser dans l'historique,
comme "Si Egaux" qui fait référence aux formes
de résistance en Espagne sous le franquisme. On parle du
cousin allemand. Donc c'est une réflexion sur l'erreur,
qui est humaine, et des dérives qui peuvent arriver n'importe
quand. Donc y'a toutes sortes de réflexions, sans non plus
se prendre la tête, et puis ça correspond à ce qu'on est.
Après y'a d'autres textes. C'est vrai que de plus en plus
ça va vers l'art. Mais on aime bien aussi faire des morceaux
où y'a pas de revendications, des textes plus autobiographiques.
Suite de l'entretien page suivante.
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