"Quand
t'es sur la route, parfois, c'est vachement difficile,
t'as des galères, tu doutes, mais quand tu reviens sur
scène, tu sais pourquoi tu y es." |
Comme "La vie d'artiste" ?
- Oui, montrer qu'on a de la chance, on fait ce qu'on aime,
on en vit en plus, c'est pas toujours facile mais bon, on
n'est pas à l'usine, on a quand même cette chance là. Et puis
en même temps montrer que quand il y a la force d'être tous
ensembles via le collectif, on peut arriver à faire tout ça.
D'où est-ce que vous puisez justement
cette énergie sur scène ? Mais qu'est-ce que vous buvez ?
C'est Kamino Real, la marque de Téquila qui vous sponsorise
pour vous donner la pêche ;-) ?
- Pas du tout ;-) ! En fait on boit pas beaucoup, enfin si,
on fait la fête, normal, mais sur scène faut quand même que
t'assures un minimum, et puis en étant saoul, tu t'amuses
pas. En fait, c'est naturel, c'est très speed. Pour reprendre
l'histoire de Kamino Real, Kamino, c'est "le chemin",
"la voie royale", c'est "trace ton chemin"
et c'est vrai que ça fait référence en plus à la célèbre boisson
espagnole, sachant que l'Espagne a une influence très majeure
pour nous. Y'a des textes en espagnol..
C'est vrai qu'on pense parfois à
la Mano dans certains de vos morceaux. Vous vous sentez issus
de ce mouvement d'il y a dix ans avec cette émergence de groupes
alternatifs ?
- Bien sûr, c'est comme tous ces groupes là justement, que
se soit les Sinsemillia, la Ruda Salska, même Mister Gang.
En fait on est des enfants de la Mano, de Noir Désir. A l'époque,
y'avait pas de groupes comme ça, c'était beaucoup de variet',
et c'est vrai qu'on a pris cette énergie là. Après on s'est
démarqué musicalement, normal.
En fait, ce qu'on a appris de ces groupes là, c'est : tu veux
le faire, fais-le et tu verras que les gens te suivront parce
que les gens ont besoin de ça, toi t'as besoin d'eux. Les
disques c'est après.(...)
Maintenant, musicalement, quelles
sont les différentes formations de Kanja ? Qu'est-ce qui fait
la richesse musicale du collectif ?
- Alors en fait, musicalement, ce sont des gens qui viennent
tous d'univers différents. Y'a une base quand même commune
de reggae.
Après t'as des gens qui écoutent beaucoup plus de jazz, beaucoup
plus de world, y'en a qui ont écouté beaucoup de hard quand
ils étaient plus jeunes, donc c'est toute une richesse musicale.
Dans Kamino, y'a aussi beaucoup de textes du tromboniste,
quelques une du percussionniste et du trompettiste. Les textes
tournent et la musique c'est pareil. On met tout ensemble,
on réfléchit beaucoup. Donc l'auteur compositeur, c'est
Kanjar'Oc. (...) Après au niveau des origines, on est tous
des immigrés de deuxième ou de troisième génération, donc
on se sent français à cent pour cent mais après c'est vrai
qu'on a une fierté de cette pluralité, c'est ce qui fait la
fierté de l'Occitan. L'Occitanie, c'est une Terre d'accueil
et elle n'est pas définissable.
"Le troisième truc qui
est important pour nous, c'est la communion avec le
public. A un moment donné, y'a quelque chose que tu
sents, que tu palpes. Ce principe, faut qu'on le garde.
Le jour où y'aura plus ça, on arrêtera." |
Comment ressentez-vous cette influence,
ça a baigné votre enfance ?
- Oui, on a baigné dedans. Déjà dans ta propre famille. Les
repas de familles ne sont jamais les mêmes. Ne serait-ce que
d'un point de vue culinaire. Après, tu sais, les musiques
ont toujours des souches communes. Et tu t'aperçois qu'il
y a beaucoup de musiques d'Afrique, ou arabo-andalouse, de
musiques latines, qui ont des souches communes. Les Fabulous
Troubadours l'ont bien montré avec le Brésil.... Donc c'est
toutes ces souches qui font que même si t'avais jamais rencontré
de musique arménienne ou arabe, la connexion se fait plus
facilement. C'est comme si t'avais des clefs.
C'est à dire que t'entends la musique, tu sais pas la jouer
encore mais les rythmes se rapprochent.
En même temps, y'a un coté rock chez Kanja parce que l'essentiel
du groupe ne vient pas de Marseille même mais de Port de Bouc,
qui est une zone industrielle de la ville. Donc y'a une tension,
qui renvoie un peu au rock, avec les usines....
Et après y'a aussi les langues : Dans le quartier, tu ouvres
la fenêtre, t'entends de la musique arabe, ... c'est ça qui
fait le mélange et tu t'en rends même pas compte. Après y'a
les opportunités, c'est aussi pour ça qu'on fait de la musique,
on rencontre beaucoup de gens, par exemple, y'a pas longtemps,
on a eu la chance de partir à la Réunion, on a rencontré d'autres
gens, d'autres musiques...
Justement avec vos expériences
de scène, vous avez tellement tourné, en France, à l'étranger,
parmi toutes ces aventures, y'en a sûrement de très fortes
qui marquent et qui influencent ?
- Très fortes, oui. Disons qu'une des forces de Kanja, c'est
que quelque soit le groupe, t'as toujours une culture musicale
plus forte que l'autre. Donc parfois tu tournes dans des festivals
où il n'y a que ta musique, alors que Kanja s'est très souvent
retrouvé dans des festivals rock où le mec voulait un groupe
rock mais avec une touche ensolleillée ou parfois reggae.
On s'est retrouvé deux fois avec les Wailers, on a fait Israel
Vibrations, les Toots, parce que le mec voulait donner au
festival reggae une touche un peu plus rock. Donc on s'est
retrouvé avec tous ces gens là, tu écoutes, tu échanges, et
comme on marche beaucoup à l'humain, t'as une amitié qui se
crée.
(...)
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Kanja
c'est une aventure humaine ?
- Avant toute chose, oui. C'est notre force. Là, par exemple,
on travaille avec le manager de Dolly, donc des gens qui font
pas la même chose, mais ça fonctionne, y'a des connexions
et humainement ça le fait. Ca nous permet de jouer dans plein
de trucs, c'est génial, quoi.
Par contre, la route est parfois
semée d'embuches, mais ça vous enrichie aussi ?
- Disons que quand t'es sur la route, parfois, c'est vachement
difficile, t'as des galères, quand t'as du matos volé, des
incendis, des trucs comme ça, quand t'es "rèche"
à la fin du mois, tu doutes, mais quand tu reviens sur scène,
tu sais pourquoi tu y es.
Et y'a la Marmaille, vos fans
qui vous aident aussi beaucoup.
- On a vachement besoin des gens. Le fait qu'il y ait la Marmaille,
c'est pas pour créer un fan club. C'est parc'qu à un moment
donné ça nous "emmerdait" de perdre des contacts
avec les gens. On communique avec eux par e-mail, par courrier,
tous les trois mois y'a le "Marmot", le p'tit courrier
gratos dans lequel on raconte nos tranches de vie. Quand la
famille Kanja s'agrandit, chaque nouveauté...on le raconte,
on partage.
Combien de marmots vous suivent,
maintenant ?
- Y'en a mille deux cent.
C'est vrai qu'après ce concert,
la marmaille risque fort encore se s'agrandire. Vous êtes
déjà reconnus par le public rennais, on vous a aussi vu pas
mal à l'affiche à Rennes.
- C'est vrai qu'à Rennes on a déjà fait toutes les salles.
Mais c'était surtout dans le cadre de festivals. Maintenant,
on aimerait y revenir mais en tête d'afffiche et draîner notre
propre public.
Sur les pochettes des trois
premiers albums, on voit des tongues, c'est quoi ce culte
de la tongue ;-)?
- Ah ! La tongue, j'crois qu'c'est un mode de vie, le far'
niente...
La paresse dans l'art de vivre
;-)
- De l'art de vivre, voilà exactement. C'est le côté "Avoir
un peu une place au soleil, toujours". Toujours avoir
des tongues aux pieds, même si tu les portes pas. Dans ta
tête, quand tu te dis que tu as des tongues aux pieds, c'est
très positif, très ouvert, et même quand tu travailles, tu
le fais avec cet esprit d'ouverture. Voilà, c'est les tongues,
quoi.
T'es content, quoi, t'es content
quand t'es en tongues et en short...
- Tu sorts les boules ..;-)
Et le Pastagua....;-)
- Ceci dit, le pastagua, il faut faire attention parceque
ça peut être dangereux, quand même.
Nooonnnnn !
- Oh si ! Avant de monter sur scène, c'est pas bon.
C'est l'expérience qui parle...
- ;-)
"Ca s'est aussi la grande
richesse de la diversité : Dans la diversité musicale,
tu es obligé de te dépasser à chaque fois." |
Finallement, quels sont les trois
fondements de Kanjar'Oc ?
- Alors, la première des choses, c'est la fraternité. Y'a
des groupes qui arrivent à tourner mais pourtant entre eux
ça passe pas trop. En fait, on n'arriverait même pas à jouer.
Il faut qu'il y est une unité quand même. Après, j'te dis
pas qu'il n'y a pas de tensions. Quand tu te retrouves à douze
sur la route, c'est évident qu'il y ait parfois des tensions,
c'est normal, on est des humains. Mais y'a une fraternité
très forte.
Deuxième fondement, c'est la diversité.C'est ce que disait
Doudoun tout à l'heure sur la scène.(...) Ca se sent dans
notre musique, on a pas besoin de parler. Même si on décide
de faire un album un peu plus coloré rock, y'aura toujours
la diversité. Et puis même sans faire exprès.On ne sait pas
faire un rock ou un reggae pur et dur. On sait faire un mélange
de "ça". En plus, pour la petite histoire, on est
pas des grands musiciens, y'a pratiquement que des autodidactes
dans le groupes. Au début, on ne savait pas tous jouer, on
connaissait chacun un peu d'un instrument. Mais si on faisait
que ce qu'on savait faire et qu'on le faisait ensemble, ça
pouvait le faire. Et puis après avec l'envie de mieux jouer,
tu te perfectionnes. Ca s'est aussi la grande richesse de
la diversité : Dans la diversité musicale, tu es obligé de
te dépasser à chaque fois. Tu ne peux pas rester pauvre, c'est
pas possible.
Le troisième truc qui est important pour nous, c'est la communion
avec le public. C'est pas de la fraternité. C'est une communion
avec des gens que tu ne connais pas. A un moment donné, y'a
quelque chose que tu sents, que tu palpes. Ce principe, faut
qu'on le garde. Le jour où y'aura plus ça, on arrêtera.
Alors, elle est belle la vie d'artiste
?
- Ouai, ouai, elle est belle la vie d'artiste !
Ben j'crois qu'cétait la conclusion...
- Ouai, ouai, ça va de soit.
Un énorme merci aux Kanja, à leur gentillesse et leur convivialité,
en espérant recroiser leur route très bientôt.
Photos : Kanjar'Oc (Merci !)
Entretien et rédaction : Laure
Production : Tono |