Je
vais vous dire l'aventure rapportée dans un lai. Ne croyez
pas que ce soit fiction, c'est la pure vérité.
On l'appelle le lai de Guingamor.
Il y avait jadis en Bretagne un roi qui régnait sur le
pays, un noble seigneur dont je ne sais vraiment vous dire le
nom. Il avait un neveu sage et courtois qui s'appelait Guingamor
: c'était un chevalier brave et plein de sens. Pour sa
valeur et sa beauté le roi l'avait en grande affection
; ne pouvant avoir d'enfant, il voulait faire de lui son héritier.
Guingamor méritait d'être aimé : large en
promesses et en cadeaux, il traitait avec honneur les chevaliers,
les serviteurs et les écuyers. On l'estimait dans tout
le pays pour sa générosité et sa bonne
éducation.
Un jour le roi alla à la chasse se divertir dans la forêt.
Ce jour-là son neveu s'était fait saigner et se
trouvait un peu mal en point. Ne pouvant aller dans les bois,
il alla se reposer chez lui et retint auprès de lui plusieurs
des compagnons du roi. |
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Dès
la première heure il se leva, alla au château
pour se distraire. Il rencontra le sénéchal
et lui jeta les bras au cou.
Après une longue conversation,
ils s'assirent à l'échiquier pour faire une
partie. Sortant de sa chambre, la reine qui voulait se rendre
à la chapelle, se tenait sur le seuil. Elle était
élancée, attirante et belle. Pour regarder le
chevalier qu'elle voyait jouer à l'échiquier
elle s'arrêta un long moment, immobile, sans faire un
pas de plus. Il lui sembla beau, de corps, de visage, de stature.
Il était assis contre une fenêtre ; un rayon
de soleil frappait son visage, l'inondant de lumière
et lui donnant une éclatante couleur. La reine le regarda
tant qu'elle en fut bouleversée; pour sa beauté,
pour son air noble elle s'éprit de lui.
Elle revint sur ses pas
et appela une servante.
- Allez trouver,
fit-elle, le chevalier assis là-bas à l'échiquier,
Guingamor, le neveu du roi, et dites-lui de venir me trouver.
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Suite
-Source : Lais féeriques
des XIIèmes et XIIIèmes siècles, ed.
Flammarion.
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