Guingamor
comprit parfaitement ses paroles et quel amour elle
souhaitait. Il en éprouva une grande honte et il en rougit.
Avec colère il la quitta pour sortir de la chambre, mais
la dame voulut le retenir; elle le saisit par son manteau au
point d'en rompre les attaches. Il sortit sans manteau et se
rassit plein de trouble à l'échiquier qu'il avait
quitté, si irrité qu'il oublia le manteau et,
dans cet état d'esprit, il reprit la partie.
La reine était fort inquiète,
soucieuse à cause du roi. D'après les propos et
l'attitude de Guingarnor, elle craignait qu'il ne l'accusât
et ne lui fit du tort auprès de son oncle. Elle appela
une suivante, sa familière, lui donna le manteau et l'envoya
à Guingamor. La suivante lui en recouvrit les épaules,
mais il était si anxieux, si plongé dans ses pensées
qu'il ne s'en rendit pas compte. La pucelle s'en retourna. |
|
La reine vécut
dans l'appréhension jusqu'au soir, lorsque le roi,
de retour de la chasse, s'assit pour le repas. Il avait passé
une bonne journée et ses compagnons étaient
tous de bonne humeur.
Après le repas,
ce furent jeux et rires ; ils racontaient entre eux leurs
exploits, chacun dit ce qu'il avait fait, qui avait manqué
son coup, qui avait bien tiré. Guingamor qui n'avait
pas pris part à la chasse le regretta amèrement.
Il restait immobile et muet, la reine le regardait. Pour lui
nuire et le mettre en colère, elle engagea des propos
qui ne feront plaisir à personne. Se tournant vers
le chevalier, elle dit :
- J'ai entendu
les éloges qu'on fait de vous et le récit de
vos aventures, mais de tous ceux que je vois ici il n'y a
pas un seul, lui donnerait-on mille livres d'or, assez brave
pour oser chasser le blanc sanglier qui vit là dehors
dans la forêt, ni sonner du cor. Il acquerrait un prestigieux
renom celui qui pourrait prendre le sanglier.
>
Suite
-Source
: Lais féeriques des XIIèmes et XIIIèmes
siècles, ed. Flammarion.
|