
À l'extrémité de l'allée, il voit deux
énormes dragons jeter par la gueule de grands flocons
de flamme. Involontairement Galeschin fait un mouvement en arrière.
Mais la honte le retient de reculer. Et, au moment où les dragons
s'élancent sur lui, il avance.
Ils jettent leurs griffes sur l'écu, déchirent les mailles du
haubert, pénètrent dans la chair jusqu'au sang. Le duc ne recule
pas : il donne de son épée dans tous les sens. Et passe outre.
Une rivière bruyante et rapide se présente alors à lui.Une planche
longue étroite, instable, l'enjambe. À peine Galeschin y a-t-il
posé le pied que deux chevaliers armés apparaissent sur l'autre
rive pour lui défendre le passage. S'il chancelle, il se noie.
Galeschin ne recule pas. Le premier chevalier lève son glaive,
le second frappe le heaume. Galeschin glisse dans l'eau. |
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Il se croit perdu.
il sent les angoisses de la mort. Mais, comme il était déjà
pâmé, on le tire de l'eau avec des crocs de fer. Dans le pré,
il ouvre les yeux. Un chevalier le somme de se rendre. Se dressant
à genoux, Galeschin ne répond pas. D'un coup d'épée on le fait
retomber.(...) Quatre sergents alors le prennent, le désarment
et l'emportent dans un jardin où se trouvent d'autres chevaliers.
(...) Le duc revient de pâmoison. Chacun le réconforte et le
console du mieux qu'il peut. Galeschin apprend alors à ceux
qui l'entourent qu'il est le duc de Clarence, fils du roi Tradelinam
de Norgalles et compagnon de la Table Ronde. Il y a là Aiglin
des Vaux, Gaheris de Caraheu, Kae dit le Beau. Ils lui apprennent
comment ils se trouvent retenus dans le Val, comment le plus
preux ne doit pas espérer d'en sortir, pour peu qu'il ait faussé
de rien ce qu'il devait à son amie.(...) Où trouver le chevalier
qui, dans le cours de ses amours, aura constamment éloigné toute
oeuvre et tout désir d'inconstance? Est-il un seul fils de mère
pur de toute infidélité à l'égard de son amie de coeur?
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Textes issus de Châteaux Fantastiques
de Bretagne, rassemblés par Olivier Eudes, édition
Terre de Brume |