
- Déjà
! s'écria son mari en la voyant entrer,
tu vas vite vraiment !
- Oui, grâce à une aimable rencontre que j'ai faite.
Et elle se mit à raconter son aventure.
Son homme l'écoutait, allongé dans son lit où
il achevait de fumer sa pipe. Dés les premières
paroles de Fanta, son visage devint tout soucieux.
- Ho ! Ho! dit-il, quand elle eut fini, c'est là ce que
tu appelles une aimable rencontre. Dieu te préserve d'en
faire souvent de semblables ! Tu n'as donc pas réfléchi
qui était cette femme ?
- Tout d'abord j'ai eu un peu peur , mais je me suis vite rassurée.
- Malheureuse ! tu as accepté l'aide d'une Maouès-noz
!
- Jésus, mon Dieu !... J'en avais eu l'idée...
Que faire, maintenant ? Car elle va venir me rapporter le linge.
- Achevez de souper, répondit l'homme, puis rangez soigneusement
tous les ustensiles qui sont sur l'âtre. Suspendez surtout
le trépied à sa place. Vous balaierez ensuite
la maison, de façon à ce que l'aire en soit nette
; vous mettrez le balai dans un coin, la tête en bas.
Cela fait, lavez-vous les pieds, jetez l'eau sur les marches
du seuil et couchez-vous. Mais soyez preste. |
|
Fanta Lezoualc'h obéit en
hâte. Elle suivit de point en point les recommandations
de son mari. Le trépied fut assujetti à son clou,
le sol de la maison nettoyé jusque sous les meubles,
le balai renversé, le manche en l'air, l'eau qui avait
servi à laver les pieds de Fanta répandue sur
les marches du seuil.
- Voilà ! dit Fanta, en sautant sur le "blanck-tossel",
et en se fourrant au lit, sans même prendre le temps de
se déshabiller tout à fait.
Juste à ce moment, la femme de nuit cognait à
la porte.
- Fanta Lezoualc'h, ouvrez ! C'est moi qui vous rapporte votre
linge.
Fanta et son mari se tinrent bien cois.
Une seconde, une troisième fois, la femme de nuit répéta
sa demande d'ouverture.
Même silence à l'intérieur du logis.
Alors on entendit au dehors s'élever un grand vent.
C'était la colère de la Maouès-noz.
- Puisque chrétien ne m'ouvre, hurla une voix furieuse,
trépied, viens m'ouvrir !
- Je ne puis, je suis suspendu à mon clou, répondit
le trépied.
- Viens alors, toi, balai !
- Je ne puis, on m'a mis la tête en bas.
- Viens alors, toi, eau des pieds !
- Hélas ! regarde-moi, je ne suis plus que quelques éclaboussures
sur les marches du seuil.
Le grand vent tomba aussitôt. Fanta Lezoualc'h entendit
la voix furieuse qui s'éloignait en grommelant :
- La "mauvaise pièce" ! Elle peut se féliciter
d'avoir trouvé plus savant qu'elle pour lui faire leçon.
Fin |